Pierre Blondel avait treize ans lors du débarquement du 6 juin 1944 (Il est né en décembre 1930). A la veille de ses 94 ans, il se souvient de ces journées intenses qui ont permis la libération de son village de Trun, presque deux mois et demi plus tard.
Pierre Blondel a eu plusieurs vies : jusqu’à ses 18 ans avec sa famille à Trun, puis après son service militaire, il devient photographe à Charlieu chez Burtin. En parallèle, il s’adonne à sa passion, l’alpinisme, en enchainant les sommets dont treize fois le Mont Blanc. Aujourd’hui à presque 94 ans, il réside à l’Ehpad Saint Louis de Saint Nizier et se souvient de tout.
« Dès fin mai, on sentait qu’il se passait quelque chose, tout bougeait, même si on n’avait pas d’informations car les Allemands avaient confisqué les postes de radio. Toutes les nuits, il y avait d’importants mouvements de l’aviation alliée autour des routes et voies de chemin de fer ». Pierre Blondel, encore adolescent se remémore « Le certificat d’études avait été avancé d’un mois, à fin mai. Et la nuit du 5 au 6 juin, les pensionnaires ont tous été renvoyés dans leurs familles. Heureusement car le collège d’Argentan a été en partie détruit. A partir de 23h le 5 juin, les raids aériens augmentèrent avec des bruits sourds. Nous avons appris en milieu de journée du 6 juin le débarquement allié. La Kommandantur déménagea très vite. Le temps était gris, froid et légèrement pluvieux. Le lendemain, un très gros convoi de chars allemands traversa Trun et s’immobilisa un quart d’heure. Ça s’emblait une éternité car on avait peur d’être bombardés ». Cette peur reste présente : « Le matin du 8 juin, sur la route de Neauphe, je binais un champ de betteraves avec un cousin lorsque trois chasseurs allemands passèrent dans un bruit infernal en rase-mottes, en dessous des fils à haute tension ». Une autre fois, c’est un missile allemand V1 qui explose à quelques centaines de mètres créant un cratère immense et faisant exploser toutes les vitres du village. Certains Allemands continuent de régler leurs comptes, notamment en fusillant trois résistants du village le 26 juin. En juillet-aout, les Allemands sont sur les dents et cherchent une échappatoire car ils sont encerclés par les alliés. Pierre Blondel et sa famille seront même plaqués contre le mur au milieu d’un repas interrompu par les Nazis qui cherchent une carte pour fuir. Les différents raids de l’aviation et les mitraillages, font que Pierre Blondel et son ami Jean Guesnon creuseront une tranchée au fond du jardin pour se protéger. Une bonne idée qui leur servira lors des bombardements de Trun du 13 au 20 août où une grande partie du village sera détruite. Une dizaine de jours de combats acharnés où la population reste terrée, presque sans manger. Leur fête de la libération se fait le 20 août, pour l’occasion un veau est tué et dépecé, Pierre se rappelle de toute la viande qu’il a dévorée. Les allemands tentent toutefois des représailles deux nuits durant et le 22 août 1944, la guerre est enfin finie pour Pierre Blondel. Il ne restait alors plus qu’à reconstruire le village et commencer une vie libre.
Pierre Blondel deviendra photographe à Charlieu dès le début des années 50 et fera toute sa carrière auprès de Burtin père puis fils. Il devient aussi un alpiniste chevronné, lui qui n’avait jamais vu la montagne avant ses vingt ans.